Les familles des victimes des crises qu’a connu le Burundi depuis les années 1960 jusqu’au génocide de 1972-1973 réclament haut et fort un geste de compensation après le recensement de ces victimes récemment réalisé dans les provinces de Cankuzo, Rumonge et Bururi, le marquage et la protection des sites archéologiques.
Le gouvernement burundais ne peut pas avoir les moyens financiers d’indemniser les familles de toutes les victimes des crises que le Burundi a connues. Mais il peut poser un geste de soutien envers ces familles ne fût-ce que pour les réconforter et leur montrer qu’il reste proche d’elles. C’est du moins l’avis partagé par un grand nombre de personnes contactées par la CVR.
Bangirinama Léonard est l’un des guides collinaires qui ont été engagés par la CVR comme enquêteur dans la commune Muhuta, province Rumonge. Il réside actuellement sur la colline Rubura, sous-colline Bondo, zone Busenge. Il dit qu’après le recensement, ils ont découvert que bon nombre des personnes assassinées en 1972 appartenaient à la même ethnie, hutu. Après avoir tué des gens, ces criminels s’emparaient de tous les biens appartenant aux victimes (café, chèvres, vaches, champs de cultures, etc.)
Pour Nimbona Yolande, originaire de la commune Bugarama toujours dans la province de Rumonge, le recensement a été fait à point nommé car elle ne savait pas qu’il y avait eu des massacres qui ont coûté des vies humaines sur sa colline natale en 1972. Toutefois, elle déplore le peu de temps donné à ce travail alors qu’il y avait d’autres familles qui souhaiteraient que les leurs soient enregistrés. Ces gens croyaient qu’après le recensement, la CVR passerait bientôt à l’étape de l’indemnisation. Et en attendant, ils espèrent que la Commission relancera cette activité afin d’accorder cette opportunité à toutes ces familles.
Ces avis partagés par les habitants de la province de Rumonge ne sont pas du tout éloignés de ceux de la province de Bururi, notamment dans les communes de Mugamba et Matana. Nimubona Cyprien réside au chef-lieu de la commune Mugamba. Il salue la CVR pour avoir organisé ce recensement, et il espère que l’Etat, à travers la Commission, fera un geste de soutien aux familles des victimes qui réclament des compensations suite au pillage de leurs biens par des criminels lors de ces crises.
Ntakirutimana est un fonctionnaire de l’Etat résidant au chef-lieu de la commune Matana. Il indique que le recensement mené par la CVR ne doit pas se limiter uniquement à l’identification des victimes et des auteurs qui ont commis ces crimes, ou des sauveteurs ; mais faut-il aussi procéder à un nouveau recensement des biens des victimes qui ont été pillés.
Les vestiges contribuent au développement durable
Professeur d’archéologie et de la préhistoire à l’Université du Burundi, Sadiki Elie suit de près les activités de la CVR. Pour lui, des études approfondies sur les vestiges que la Commission a exhumés sont encore en attente. En plus de connaître la manière dont ces personnes ont été tuées, ces restes humains peuvent servir de références aux nouvelles générations afin de ne plus revivre ce carnage, a souligné le professeur Sadiki Elie qui ajoute que cette histoire, même triste, doit s’apprendre dans les livres et les programmes scolaires.
Et puis, ces vestiges peuvent aussi contribuer au développement durable. Afin de ne pas blesser les cœurs des familles des victimes, des spécialistes peuvent forger des objets similaires à ces vestiges pour les exposer. Entre-temps, les restes réels doivent être traités soigneusement avec des produits appropriés et conservés pendant des années et des années dans un endroit caché.
Il indique que dans ce cas, les visiteurs et les hommes qui font des recherches pourront visiter ce lieu après avoir payé une certaine somme d’argent. Les gens qui considèrent encore le fait d’exposer les restes comme un mal se méprennent, d’après toujours le professeur. Les vestiges ont toujours servi le même but, non seulement au Burundi mais dans le monde entier, a conclu Sadiki.