Samedi, le 26 février 2022, la CVR a clôturé provisoirement les acticités d’exhumations des fosses communes et les auditions de témoins et victimes du génocide de 1972 en province Bujumbura. Avec plus de 1.500 victimes exhumées dans la seule fosse commune de plus de 80 mètres de long, la commune de Mugongomanga a été désignée comme la plus emblématique, ayant beaucoup de victimes que les autres communes. Les plus hautes autorités de l’Assemblée Nationale et du Sénat ainsi que le Bureau de la Présidence du Burundi étaient sur le terrain pour le constater
Willy NTAKARUTIMANA
Les cérémonies proprement dites ont eu lieu au centre de Gitwe sur la colline de Rutambiro. C’est dans le domaine de l’école fondamentale de Gitwe, lieu abritant le bureau communal de Mugongomanga en 1972 ainsi que l’actuelle brigade de police de Mugongomanga. La fosse commune se trouve au pied de la colline, dans un buisson appartenant à un particulier. Il suffit de traverser la route pour se rendre à l’endroit où se trouve ladite fosse commune.
Selon nos témoins, les victimes invitées à des réunions convoquées par Bukware Gallot qui était à la fois administrateur de la commune de Mugongomanga et Mukike en 1972, étaient directement jetées dans le cachot communal pour être tuées pendant la nuit.
Et cet administratif travaillait de connivence avec ses conseillers et les militants de la JRR qui ont largement joué le rôle d’arrêter les victimes à leurs domiciles et de les conduire au bureau communal. Les gendarmes qui gardaient la commune avaient pour mission de tuer les victimes mais parfois avec l’appui de la JRR.
Les témoins que la CVR a rencontrés indiquent que cette fosse commune en forme de tranchée a pris au moins trois semaines pour être creusée. En effet, seuls les détenus avaient le devoir de la creuser, car après avoir creusé un espace suffisant, ils étaient à leur tour tués par de nouveaux détenus qui eux aussi devaient être tués le lendemain par de nouveaux arrivants au cachot.
Les prisonniers résistaient ou qui ne voulaient sortir du cachot pendant la nuit étaient directement ligotés dans la cellule avant d’être tués par les gendarmes et les militants de la JRR. Ainsi, il ne restait plus qu’à traîner leurs corps jusque dans la tranchée, ont déclaré les personnes engagées par la commune dans les travaux de nettoyage du cachot qui se remplissait de temps en temps du sang des victimes tuées par balle ou sous les coups de gourdins et des petites houes (udufuni).
Les victimes étaient en grande partie des Bahutus de la colline de Rutambiro et ceux des environs ainsi que des passants rentrant chez eux, fuyant les tueries dans la ville de Bujumbura. Ils sont tombés entre les mains de ces sanguinaires lors d’activités de vigilance (les rondes) et exécutés sur place, déplorent nos témoins.
A défaut de demander pardon, les auteurs de ces crimes seront appréhendés devant les juridictions compétentes.
Dans son discours de circonstance, le Président de la CVR, Amb. Pierre Claver Ndayicariye n’a pas eu beaucoup à dire devant ces ossements humains car ceux-ci seuls parlent. L’Ambassadeur Ndayicariye a montré que les autorités administratives de cette époque ont joué un rôle de premier plan dans les tueries de 1972. Il a pointé du doigt la Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore (JRR) qui arrêtait des gens : « Un seul JRR pouvait même arrêter cinquante personnes et les conduire au bureau de la commune sous l’ordre de l’autorité administrative »
Le Président du Sénat burundais, Très. Hon. Emmanuel Sinzohagera a indiqué que les tueries de Mugongomanga font partie de l’histoire que le Burundi a connue et que les Burundais doivent accepter à tout prix. Selon lui, il est temps de voir comment le Burundi doit se construire sous une nouvelle forme malgré le fait que nous nous sommes entretués entre frères et sœurs.
« C’est maintenant le moment de s’unir pour que nos enfants qui grandissent et ceux des générations futures puissent savoir ce qui est interdit de faire, car la vie de l’homme est très sacrée, et seul Dieu a les prérogatives de la reprendre », a souligné Sinzohagera, tout en signalant que ce n’est pas l’ethnicité qui tue mais plutôt la mauvaise gouvernance. C’est ainsi qu’il a appelé tous ceux qui avaient un rôle à jouer dans ces atrocités à penser à demander pardon pour qu’ils soient pardonnés, et aux personnes offensées d’accorder le pardon.
En revanche, le Président de l’Assemblée nationale, Très. Hon. Daniel Gélase Ndabirabe n’a pas mâché ses mots : « Il y en a qui veulent donner une étiquette politique à ces ossements ! Or, ces ossements représentent des humains et ceux qui veulent leur donner une étiquette politique sont loin de la vérité. Il s’agit d’une question juridique, et non politique »
Le Président de l’Assemblée Nationale a plutôt rappelé à ceux qui ont commis ces crimes d’accepter le mal qu’ils ont commis et de demander pardon aux personnes qu’ils ont offensées. A défaut, le Burundi et la nation burundaise n’auront aucun mal à porter plainte devant les juridictions compétentes !
En plus des ossements humains, d’autres objets tels que des vêtements, des ceintures et des sacs à main portés par les victimes ont été déterrés de la fosse commune de Rutambiro.