Mercredi, le 12 juillet 2023, la CVR a animé une conférence en Mairie de Bujumbura autour du thème des sauveteurs et de leurs motivations. L’objectif de l’activité était d’informer la communauté tant nationale qu’internationale, que les crises que le Burundi a connues, dont le Génocide de 1972, ont vu des hommes et des femmes qui ont eu la magnanimité de protéger les autres. L’activité de la CVR est conforme à l’article 6 de la loi régissant le Commission.
Elle a été menée au bon moment avec un objectif complémentaire de chercher des voies de sortie des crises que le Burundi a déjà connues. Ceci est une appréciation de certains participants à la conférence. D’autres ont félicité la CVR d’avoir abordé le sujet en rapport avec le rôle des sauveteurs, car plusieurs personnes pensent jusqu’à ce jour que la commission n’a d’autre mission que de déterrer le passé douloureux “Kuzura akaboze » alors qu’il y a d’autres personnalités qui ont joué un rôle important dans la protection des victimes, des personnes que la CVR a surnommées « les piliers de la paix et de l’humanisme », « Inkingi z’amahoro n’ubuntu »
Parmi les sauveteurs, feu Mgr RUHUNA Joachim ainsi que Mgr Evariste NGOYAGOYE, actuellement à la retraite, a témoigné Me SEGATWA Fabien qui était un étudiant à l’Université du Burundi en 1972 et qui se considère comme un rescapé des massacres d’étudiants Bahutu. Il n’a pas manqué de révéler comment il a lui-même échappé durant cette période.
Me SEGATWA est également un ancien séminariste. Après avoir échappé de peu aux tueries, alors qu’il venait de sortir de l’ hôpital, il n’a pas eu d’autre choix que de trouver un endroit sûr où se cacher. La première idée qui lui est venue à l’esprit fut d’aller au grand séminaire de Bujumbura. Nous avons dû prendre un taxi, mon frère et moi. La situation n’était pas facile, a rapporté Me Segatwa.
Je vous accorde refuge mais je ne peux pas vous garantir une vie en sécurité face à une telle situation de criminalité excessive. Voici une réponse adressée à cet étudiant qui avait perdu tout espoir. Je n’attendais que la mort, a dit ce futur avocat. Après quelques jours de clandestinité dans les enceintes du grand séminaire, les deux prélats ont déplacé Segatwa vers la zone de Nyakabiga où se trouvaient des familles congolaises.
Et ces dernières l’ont aidé à franchir la frontière de Gatumba pour se rendre au Zaïre, aujourd’hui la République Démocratique du Congo. Je dois la vie à ces deux prélats, a-t-il dit, remerciant la CVR d’avoir aussi pensé aux sauveteurs.
L’ethnie ne tue pas, seuls les hommes le font
Outre ces deux sauveteurs, d’autres témoins ont cité des personnes qui ont sauvé des vies humaines pendant le Génocide de 1972. Il s’agit notamment de l’Abbé Charles GAHEBE, à qui la population de Makebuko a érigé un monument en sa mémoire, sur la route principale Gitega- Ruyigi. Abbé Charles Gahebe, décédé en 1992, se repose au cimetière de Mushasha à Gitega. Les personnes qui se souviennent de ce prêtre disent avoir construit ce monument dans le but ultime de se souvenir de lui, compte tenu du bien qu’il a fait en protégeant les gens pendant le génocide de 1972.
D’autres sauveteurs n’ont pas échappé à la mémoire des Commissaires et cadres de la CVR. Il s’agit entre autres de Feu GATERETSE Basile était l’administrateur de la commune Isare dans la province de Bujumbura en 1972. En plus de protéger les Bahutu, cet administratif a même donné de l’argent aux intellectuels Bahutu pour qu’ils puissent se réfugier. Ainsi, les biens de cette famille ont été protégés par leurs voisins lors de la crise de 1993 en contrepartie du bien qu’il leur a fait en 1972.
Son petit-fils, Philipe NTWARI GATERETSE, invité par la CVR à la conférence, n’a pas mâché ses mots : « Ce travail que la CVR est en train de faire est la preuve irréfutable que l’ethnie ne tue pas, mais que ce sont les hommes qui tuent. C’est un travail qui conduira à la réconciliation effective des Barundi et à la construction de notre pays », a-t-il signalé.
Pour le Président de la CVR, ce travail est conforme à l’article 6 de la loi régissant la Commission. Le Président NDAYICARIYE a déclaré que la CVR doit connaître le nombre de présumés auteurs des violations des droits humains, le nombre de victimes et pourquoi pas le nombre de sauveteurs !
Le numéro 1 de la CVR a ajouté que le nombre de sauveteurs est d’environ 11.000. Ils méritent d’être reconnus comme des héros car ils ont joué un rôle indispensable dans la société. D’autres auraient pu le faire mais n’en ont pas eu le courage. C’est pourquoi la CVR les a baptisés « Inkingi z’amahoro n’ubuntu », a conclu Amb. Pierre Claver NDAYICARIYE.