Ntemako Pascal, cité par de nombreux témoins et rescapés du génocide de 1972 comme sauveteurs des élèves Bahutu de l’Ecole Moyenne Pédagogique de Nyakabiga, aujourd’hui Lycée Scheppers. L’approche des témoins oculaires fait aussi partie de la contribution au processus de recherche de la vérité au service de la réconciliation.
Nicimbeshe Laurent, élève à l’Ecole pédagogique de Nyakabiga en 1972. Il faisait partie des victimes Bahutu arrêtées à cette école et conduites au Bureau Spécial de Recherche, BSR, avant d’être emmenés pour être tuées dans la zone de Buterere. Le Ministère de l’Education Nationale à cette époque était divisé en deux départements : celui de l’Enseignement primaire et celui de l’Enseignement normale, comme en témoigne NICIMBESHE. M. Ntemako était alors chef du Département de l’Enseignement primaire.
Une semaine après le déclenchement de la crise, il avait déjà constaté qu’un grand nombre d’enseignants avaient déjà été massacrés et s’était alors plaint de l’avenir des élèves en particulier et de l’enseignement en général, sans corps enseignant. L’actuel Lycée Scheppers était alors le plus touché par ces crimes car il était proche de l’Université du Burundi, campus de Mutanga où les vies humaines des étudiants Bahutu ont été emportées par leurs collègues.
Préoccupé par l’avenir de l’éducation ; Pascal NTEMAKO a pris l’initiative de fréquenter cette école afin de sauver au moins ces futurs enseignants. Du 8 au 28 mai 1972, de 17 heures aux heures avancées, il était toujours à cette école pour se rassurer si tous les élèves étaient déjà dans les dortoirs.
Elèves arrêtés sur base des listes
Dimanche 28 mai 1972, une journée plutôt étrange dans cette communauté estudiantine. Dès 8 heures du matin, les élèves en classe ont vu arriver un religieux nommé Frère Christian, avec une liste à la main. Il était accompagné de militaires qui étaient sous le commandement d’un officier nommé Nahayo. Ils ont alors commencé à passer d’une porte à une autre en appelant les noms des élèves qui figuraient sur cette liste, en commençant par la classe de 4e Normale B. Les seuls élèves restés dans la classe n’étaient que des Batutsi et quelques Bahutu, comme l’a souligné Nicimbeshe.
Ensuite, ils ont poursuivi l’appel dans la 4ème Normale A où ils ont regroupé tous les élèves Bahutu et un Mututsi du nom de Kanyegeri Gaspard qui était de la commune Rutegama, commune Muramvya, sous prétexte qu’il n’y a pas de Batutsi en provenance de cette commune. Un autre élève nommé Simon de la 4ème année du Tronc Commun a également été arrêté ainsi que 4 autres Frères de la congrégation des Frères de la Miséricorde à laquelle appartient cette école.
Après les avoir arrêtés, ils ont été embarqués manu militari dans un camion militaire et conduits directement au Commissariat de la sécurité routière. Là, on leur a ordonné de se mettre à plat ventre près de l’antenne devant les bureaux. De l’autre côté, il y avait des gens qui discutaient du moment où ces candidats à la mort allaient être tués à Buterere. Cependant, un tracteur chargé de creuser des fosses communes à Buterere n’était pas encore disponible. Son programme était prévu à 14 h. Ces candidats à la mort n’avaient rien d’autre à faire que de se remettre entre les mains du Seigneur en attendant leur mort à 14 heures.
Malgré les menaces proférées contre lui, NTEMAKO a continué à défendre ces élèves au Commissariat de police. Ce rendez-vous à la mort n’a pas été respecté. Ces élèves ont passé toute la nuit au Commissariat. Le lendemain, on leur a ordonné de retourner à l’école. Et depuis ce jour, la paix est revenue jusqu’à la rentrée scolaire. Et quelques jours après, c’était la remise des diplômes pour ces élèves qui avaient échappé de peu à la mort grâce à la bravoure et au courage de NTEMAKO Pascal.
Un extrait du témoignage de NICIMBESHE Laurent : https://www.youtube.com/watch?v=usjXpqk3TuQ