Bujumbura : Comment vivre ensemble ? Comment survivre ensemble ?

Bujumbura : Comment vivre ensemble ? Comment survivre ensemble ?

Cette double interrogation a été l’idée directrice de l’exposé du Président de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), ce lundi 18 janvier 2021 à Bujumbura, au cours d’une rencontre avec des religieux issus de plusieurs confessions pour parler du rôle de celles-ci dans la gestion des mémoires.

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C’était aussi une occasion pour l’Ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye, Président de la CVR, de brosser l’état des lieux des activités de la CVR. En effet, s’est-il demandé, quelle est le rôle des confessions religieuses dans la guérison des mémoires blessées par les crises à répétition au Burundi ?
Partant du rapport d’étape 2020 que la CVR a présenté au Parlement réuni en Congrès le 7 janvier 2021, le numéro 1 de la Commission a démontré, à partir de l’article 6 de la Loi régissant celle-ci, qu’il y a eu beaucoup de mensonges et d’hypocrisie sur le passé récent du Burundi.
L’Ambassadeur Ndayicariye a notamment proposé aux religieux venus l’écouter, de se demander comment sortir des chambres suicidaires et des ghettos de la globalisation qui prend en otage les innocents globalement et qui angélise les présumés auteurs globalement ? Comment « libérer » les innocents et les non responsables ? Comment « libérer » « psychologiquement » les présumés coupables ?
Car en jetant un regard rétrospectif sur ce passé, il a trouvé que le Burundi post-colonial a été caractérisé par ce qu’il appelle « des années chagrin » et « des années de chagrin » dont les mots clés sont : tragédies, impunité totale, silence sur les morts injustes et sur les blessures… Bref un « passé qui ne passe pas », pour reprendre la formule du Professeur belge Luc Heusse.

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Sur le passé colonial, l’interrogation a été tirée de la publication de Jacques Vanderlinden qui a écrit sur un ancien colon belge, Pierre Ryckmans (1891- 1959), un livre au titre provocateur « Coloniser dans l’honneur ».
Mais le contenu de la communication du Président de la CVR devant les Évêques à majorité de l’Eglise anglicane du Burundi, pourrait se résumer comme suit : dans le passé douloureux du Burundi, tout le monde n’est pas coupable, comme tout le monde n’est pas responsable. Et dans l’élan magnanime de vérité et de réconciliation au Burundi, donner pardonner est un effort individuel et dur à faire, car « notre culture et l’éducation burundaise que nous avons reçu n’accorde pas beaucoup de place au pardon ». Pour Ndayicariye, « nous burundais, nous demandons difficilement pardon » au moment où dans certaines autres sociétés, dire « Sorry », « Pardon », « Désolé » fait partie du langage quotidien.
Les images montrant les réalisations de la CVR en 2020 ont fini par convaincre les participants qu’au Burundi les mémoires individuelles et/ou communautaires ont été blessées, et qu’elles nécessitent donc des traitements personnels et communautaires. Les avis entendus au cours de la rencontre ne vont pas loin de cette assertion : au Burundi, nous devons dire la vérité pour combattre le traumatisme né “d’un passé” douloureux “qui ne passe pas”.

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Un évêque a parlé de son expérience personnelle qui fait qu’il vit depuis près de près de 50 ans le traumatisme d’avoir été appelé le fils d’un mumenja (scélérat)- son père, muhutu, a été tué en 1972. Son collègue évêque mututsi revèle que le drame de 1972 a été le sommet des malheurs qui avaient commencé bien avant. Un autre évêque, anglican, rappelle à son tour comment, lorsqu’il fréquentait en 1973 la première année de l’école primaire, on lui a raconté qu’il est parvenu à poursuivre la scolarité grâce à la solidarité communautaire dite “ikimazi” Burundi.

A la fin de la rencontre qui aura duré toute une journée, on aura entendu des témoignages prouvant que les Burundais trainent des “mémoires parallèles” selon leurs appartenances familiale, clanique et ethnique qui font que des parents donnent encore aujourd’hui à leurs enfants des noms aussi significatifs que Baratumaze, Gihutu, Bizuru, Rwimo, Ndarusanze, Tubanyendabazisinzobavimbere, Ntamagiro, Ntahondereye, Bimwenyi, Bandyambona, Ndayahande, Ntahomvukiye, Kirimwinzigo, Ntahombaye, Baranyikwa, etc.

Dans ce contexte, quelle guérison attendre de la société burundaise, autre que le pardon et la réconciliation ? Les religieux ont proposé pour cela : une CVR au mandat permanent, une bonne collaboration entre la CVR et les religieux pour aider à la guérison des cœurs blessés, une demande officielle de pardon par les plus hautes autorités de l’Etat pour les crimes commis dans le passé, une écriture d’un livre d’Histoire du Burundi, des réparations à l’endroit des familles qui ont perdu les leurs et leurs biens au cours des crises récentes.
A ce propos, le Président de la CVR a martelé que les réparations régulièrement entendues par la CVR dans le Burundi profond sont claires : d’abord et avant tout Amahoro! Une paix permanente et durable!

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