Buhinyuza : Des cruches et des houes exhumées avec des ossements humains

Buhinyuza : Des cruches et des houes exhumées avec des ossements humains

Les activités d’exhumation de fosses communes de Buhinyuza ont suscité des inquiétudes. Le nombre de victimes exhumées dans les deux premières fosses communes étant de 129. Dans la troisième fosse commune la découverte est plutôt fascinant : des houes usées, un squelette de sanglier et des cruches. La Commission s’étonne et approfondit les investigations.

Dans la province de Muyinga comme partout ailleurs au Burundi, outre des intellectuels et des personnes fortunées, d’autres personnes ont été arrêtées lors de la crise de 1972. Mais la particularité dans le nord est que des bahutu ont été arrêtés et tués, accusés de sorcellerie, selon les témoignages recueillis notamment en commune Buhinyuza.

Les ossements humains exhumés dans les fosses communes de Buhinyuza

Les victimes étaient convoquées par Rucumuhimba Laurent, administrateur communal de Buhinyuza. Le plus délirant est cette accusation portée contre une victime qui aurait, dit-on « envisagé d’ensorceler le fils du Président Micombero », une pure stratégie politique d’élimination des populations, expliquent les familles des victimes et rescapées de la crise de 1972 à Buhinyuza.
Ces témoins disent que les personnes arrêtées pour sorcellerie étaient emmenées directement au bureau communal avec leurs fétiches (des cruches) afin de pouvoir se défendre devant Rucumuhimba. Mais personne n’est revenu car il n’y avait aucun moyen d’échapper à la colère de Kibwa Bonaventure, surnommé député, mais qui était un responsable très influent du parti UPRONA et travaillait main dans la main avec des militants de la Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore (JRR) pour exterminer les intellectuels bahutu. Les détenus étaient ligotés, battus, tués et jetés dans des fosses communes.

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Une fosse commune exhumée à Buhinyuza

Lors des activités de vérification de la troisième fosse commune de Buhinyuza, un squelette de sanglier (ingiri) a été exhumé ainsi qu’une multitude de houes usées. Le rôle de ces houes au bureau communal inquiète la population en général et la CVR en particulier. Selon les sources, elles ont été utilisées pour tuer les victimes ou par les détenus dans les activités d’exploitation des domaines publics notamment ceux de la prison de Buhinyuza.

Un don de la Croix-Rouge aux réfugiés rwandais ?
D’autres témoins ont avancé une autre thèse. Ces houes avaient été remises aux plus de 5 mille réfugiés rwandais résidant au camp de Nyarunazi après avoir fui la crise de 1959 au Rwanda. Arrivés au Burundi, ces rwandais ont pu bénéficier d’une assistance matérielle en houes pour chaque famille pour pouvoir survivre et exploiter les champs. Et chaque fois qu’une houe était usée, il fallait la rendre au bureau de la commune pour en bénéficier d’une autre en bon état. Et les houes usées auraient été jetées dans une fosse. En 1972, la fosse commune de Buhinyuza n’était qu’un caniveau pour la rétention des eaux usées et des ordures de la prison, expliquent des témoins.

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Site de Nyarunazi ,camp des réfugiés rwandais en 1972


En revanche, des sources recueillies au site de Nyarunazi confirment sans équivoque que les réfugiés rwandais de Nyarunazi ont participé dans des massacres de la crise de 1972. En effet, racontent les sources, les Rwandais se sentaient proches du pouvoir de Micombero. Durant la crise, ils ont été appelés en renfort à Mwakiro notamment pour jeter les corps des victimes dans la fosse commune de Musenga après avoir été massacrés au bureau communal de Buhinyuza.
De même, affirment toujours des témoins, les mêmes rwandais du camp de Nyarunazi ont participé à la commission des crimes contre des victimes qui ont fini leurs vies dans les fosses communes de Buhinyuza. L’un des témoins a raconté à la CVR avoir entendu de jeunes rwandais se venter dans un bistrot d’avoir beaucoup travaillé la nuit précédant pour se libérer des traîtres : « Turarushe, twaraye twikuye abamenja kw’ikomine Buhinyuza ».


Willy Ntakarutimana

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