Vingt-neuf ans après les faits, des témoignages recueillis par la Commission Vérité et Réconciliation révèlent l’existence d’une fosse commune au centre Muyebe, dans la province de Bubanza. Cette fosse commune, fruit d’un massacre perpétré en 1996 sous couvert d’une réunion de pacification, illustre la brutalité des violences intercommunautaires qui ont marqué cette période sombre de l’histoire burundaise. Il ne reste qu’à passer à la vérification.

L’histoire commence par une convocation en apparence anodine. L’administrateur communal de Musigati et des militaires invitent les habitants du centre de Muyebe à une réunion pour « un message de retour à la paix ». Mais cette assemblée, organisée quelques jours après une tentative de résistance civile à la colline Bubenga, cache en réalité un plan macabre. Un piège mortel orchestré par l’administration.

Les autorités ordonnent aux femmes et aux enfants de quitter les lieux, prétextant que la réunion ne concerne que les hommes. Pendant ce temps, les militaires aiguisent leurs baïonnettes. Quelques hommes perspicaces, pressentant le danger, se déguisent en femmes pour échapper au piège. Leur intuition leur sauvera la vie.

La résistance vaine de Bubenga précède le carnage

Les événements tragiques de Muyebe s’inscrivent dans un contexte de tensions croissantes. À la colline Bubenga, les habitants avaient tenté de faire tomber un hélicoptère militaire en utilisant de longs bambous (imigano) et des feuilles sèches de bananiers enflammées (ibihunda). Cette résistance désespérée, motivée par la colère face aux enlèvements incessants de Bahutu, notamment des intellectuels et des personnes nanties, avait échoué.

Cette tentative de résistance civile avait poussé de nombreuses familles à chercher refuge dans la forêt de la Kibira, frontalière avec ces collines. Mais pour ceux qui étaient restés, le piège se refermait inexorablement.

« Saga plage » : un nom qui cache l’horreur

Ce qui est aujourd’hui appelé « Saga plage », un lieu reliant les collines de Muyebe, Mugina et Butaha, abrite derrière une maison commerciale appartenant à un certain Maje, les restes des victimes du massacre. Selon les témoignages recueillis par la Commission Vérité et Réconciliation , tous les hommes présents à la réunion ont été alignés au milieu de la route et fusillés sans exception.

Les corps ont ensuite été rassemblés et jetés dans cette fosse commune, transformant ce lieu en un cimetière clandestin. Les enquêtes de la Commission Vérité et Réconciliation révèlent également que la colline de Muyebe a servi de champ de bataille entre militaires burundais et rebelles venus de la Kibira, de 1996 jusqu’avant l’an 2000.

Les familles réclament justice et dignité

Aujourd’hui, les familles des victimes qui témoignent devant la Commission Vérité et Réconciliation formulent une demande simple mais fondamentale : que leurs proches soient enterrés dignement. Pour elles, le travail de recensement des victimes entrepris par la Commission représente bien plus qu’un inventaire. C’est un signe que l’État reconnaît enfin l’importance de la vie humaine.

Cette démarche de recensement constitue, selon leurs propres mots, « une forme de thérapie ». Elle permet de sortir de l’oubli des victimes longtemps anonymes et de redonner un nom, une identité, une histoire à ceux qui ont péri dans ce massacre.

Près de trois décennies après les faits, Muyebe sort progressivement du silence. La Commission Vérité et Réconciliation , en donnant la parole aux témoins et aux familles, offre une chance inespérée de transformer cette blessure béante en un premier pas vers la réconciliation nationale.