Makebuko1993 : un massacre interethnique révélé par la Commission Vérité et Réconciliation

Makebuko1993 : un massacre interethnique révélé par la Commission Vérité et Réconciliation

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Un silence pesant règne avant que les témoins de Makebuko prennent la parole devant la Commission Vérité et Réconciliation. Leurs récits reconstituent, pièce par pièce, la mosaïque tragique des événements d’octobre 1993 dans cette région du Burundi.

La colline Nkima : épicentre des premières violences

Le 22 octobre 1993, au lendemain de l’assassinat du président Melchior Ndadaye, la colline Nkima en commune de Makebuko devient le théâtre des premières violences. Des groupes de Bahutu, submergés par la colère, s’en prennent aux habitations des Batutsi. Les affrontements qui s’ensuivent durent toute la journée, marquant le début d’une spirale de violence que même les gendarmes, avec leurs tirs de sommation, ne parviennent pas à contenir.

« Tout a basculé en quelques heures sur notre colline, » témoigne un rescapé de Nkima. « Les tensions qui couvaient depuis longtemps ont explosé d’un coup, transformant notre localité en champ de bataille. »

« Nous demandons à la Commission Vérité et Réconciliation une impartialité absolue, car dans chaque camp, il y a des victimes et des bourreaux. » – Mme Kademo Candide

Exode mortel entre Nkima et Mwanzari

Sur la colline Nkima, dans la commune Makebuko, province de Gitega, les habitants tentent désespérément de fuir vers Mwanzari. Ce périple de quelques kilomètres se transforme en cauchemar lorsqu’ils découvrent le long des chemins les corps de militaires en congé et de civils massacrés. Ces soldats, surpris par l’événement, tentaient de rejoindre la brigade de Mwanzari mais ont été interceptés avant d’y parvenir.

« En quittant Nkima, nous avons croisé des corps sur tout le trajet. Certains gisaient dans les marais, d’autres dans les rues, » raconte un survivant. « La colline Bugumbashi était devenue infranchissable, occupée par des groupes armés en machettes qui guettaient les fuyards. »

Face à cette menace, les Batutsi de la colline Nkima s’organisent pour résister. Des affrontements éclatent faisant des victimes dans les deux communautés. Seuls ceux qui réussissent à atteindre la protection de la brigade militaire de Mwanzari échappent au massacre.

La brigade de Mwanzari : refuge et nouveau cycle de violence

Devant la situation critique des Batutsi encerclés sur les collines environnantes, la brigade de Mwanzari fait appel à des renforts du camp militaire de Mabanda. L’intervention qui suit marque un tournant tragique. Animés par la colère, ces militaires exécutent les Bahutu qui n’ont pas fui à temps, laissant leurs corps abandonnés sur place.

« Quand les militaires sont arrivés de Mabanda, ça a été le tour des Bahutu de souffrir, » témoigne un habitant de la région. « La violence a simplement changé de direction, perpétuant le cycle de représailles. »

« Dépôt provisoire des vestiges exhumés par la Commission Vérité et Réconciliation. L’Abbé Pascal Niyonkuru supervise la conservation des vestiges exhumés à Mwanzari. »

Un camp de déplacés est établi à Mwanzari pour accueillir les rescapés Batutsi des communes de Ryansoro, Bukirasazi, Gishubi, Itaba et Buraza. Mais les conditions de vie y sont catastrophiques. Sans accès à l’eau potable, les déplacés sont contraints de boire l’eau des marais contaminée par les corps en décomposition, ce qui provoque des épidémies de dysenterie et d’autres maladies.

La Commission Vérité et Réconciliation salue aujourd’hui les efforts des autorités de Makebuko qui ont contribué à l’identification d’une fosse commune dans la localité. « Notre travail exige impartialité et minutie, » soulignent les Commissaires de la Commission Vérité et Réconciliation . « Les témoignages recueillis montrent clairement que les deux communautés ont été à la fois bourreaux et victimes. Reconnaître cette réalité complexe est essentiel pour avancer vers une réconciliation authentique dans ces localités encore marquées par les cicatrices du passé. »

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