En mai 1996, un jour du marché pas simple comme d’habitude, s’est transformé en cauchemar dans la localité de Kivyuka, commune Musigati, province de Bubanza. Sous prétexte de travaux communautaires, les militaires ont orchestré un massacre qui a coûté la vie d’environ 500 personnes. Vingt-quatre ans plus tard, la découverte fortuite d’ossements lors des travaux routiers a révélé l’ampleur de cette tragédie longtemps occultée. Le piège du poteau électrique : un prétexte meurtrie.
L’histoire commence par un incident banal : la chute d’un poteau de la Regideso qui perturbait l’approvisionnement électrique de la région. Ce jour-là de mai 1996, les militaires et les autorités administratives font appel aux habitants venus faire leurs courses au marché de la localité de Kivyuka colline Kiziba, les invitant à participer aux travaux de remise en état. Une sollicitation en apparence. légitime qui cache en réalité un plan macabre.
Les témoins recueillis par les guides collinaires de la Commission Vérité et Réconciliation lors du recensement des personnes assassinées ou disparues révèlent aujourd’hui que les militaires avaient un double objectif : faire réinstaller le poteau électrique et éliminer la population présente. Cette stratégie de la corvée collective détournée à des fins criminelles illustre la perversité des méthodes employées durant cette période sombre.
500 victimes d’un carnage sans témoin
Une fois les travaux terminés, les militaires ont rassemblé tous les participants : hommes, femmes et enfants, avant de les fusiller. Selon les témoignages, environ 500 personnes ont péri dans ce massacre. Quelques personnes qui sont parvenus à échapper à ce carnage sont aujourd’hui des témoins de cette tragédie.

Les corps ont été enterrés sur place, transformant l’ancien marché de Kivyuka en une fosse commune. Pendant plus de deux décennies, ce secret a été gardé sous silence par le régime de l’époque qui au contraire, contraignait les familles des victimes à vivre dans l’ignorance du sort de leurs proches.
2020 : Des ossements qui parlent
La vérité a resurgi de manière inattendue en mai 2020, lors des travaux de goudronnage de l’axe Bubanza-Ndora. Les engins caterpillars ont mis au jour des ossements humains et autres vestiges, révélant l’existence de cette fosse commune aux jeunes générations qui ignoraient tout de ce drame.
Cette découverte macabre a contraint l’administration à agir. Les restes humains sont depuis conservés provisoirement dans un atelier de menuiserie proche du site, en attendant une sépulture digne. Par demande des familles des victimes, le marché a été déménagé à quelques mètres de cet endroit.
Un territoire marqué par la violence
Le massacre de Kivyuka s’inscrit dans un contexte plus large de violences qui ont secoué la commune Musigati entre 1996 et 2000. Cette commune de 24 collines, dont une dizaine côtoie la réserve naturelle de la Kibira, a été le théâtre de nombreux affrontements entre militaires et rebelles.

Certaines collines comme Muyebe, Ruvyimvya, Masare et Kanazi servaient de sites de rassemblement (icumbi) aux rebelles, tandis que d’autres constituaient des zones d’approvisionnement. Ces batailles acharnées ont coûté la vie à de nombreuses populations civiles innocentes, prises dans l’étau de la guerre.
Pour les habitants de Musigati, le travail de recensement mené par la Commission Vérité et Réconciliation représente bien plus qu’un simple inventaire des victimes. C’est la reconnaissance officielle de leur souffrance et, selon eux, le préalable indispensable à toute réconciliation nationale et au développement du pays. Kivyuka, le lieu de commerce, est devenu un symbole de mémoire.