Burundi-éducation : du génocide à l’exclusion ethnique en milieu scolaire

Burundi-éducation : du génocide à l’exclusion ethnique en milieu scolaire

Depuis un mois, la Commission Vérité et Réconciliation mène des enquêtes approfondies sur le phénomène d’exclusion scolaire qui a marqué les régimes des présidents Michel Micombero (1966-1976) et de son successeur Jean-Baptiste Bagaza (1976-1987). Les premières informations parvenues aux oreilles des Commissaires et des Cadres de la Commission confirment sans équivoque qu’après le génocide de 1972, le domaine de l’éducation était dominé par les Batutsi dans presque tous ses secteurs. Objectif : empêcher les Bahutu d’accéder à des postes clé de décision, ou au plus, leur laisser à peine la chance de devenir à peine des enseignants.

La volonté de Dieu dépasse de loin celle de l’homme! S’est exclamé M.A. sur cette question. Selon lui, il est difficile de nier ou de faire semblant de ne pas connaître la vie qu’ont vécue certains élèves Bahutu après le génocide de 1972. Ceux qui n’ont pas été contraints d’abandonner l’école par leurs parents ont étudié avec difficultés. Les exemples sont très nombreux.

Certains de nos témoins qui ont déjà atteint l’âge de la retraite, ont dit à la Commission avoir vécu cette situation depuis l’école primaire jusqu’à la fin du secondaire. Le vol des certificats des élèves Bahutu est l’un des maux dont ils ont été témoins. Imaginez-vous un élève contraint de refaire cinq fois la même classe de la 6eme année alors qu’il était intelligent et que l’année suivante, on voit un autre élève avec le même prénom et nom que lui, orienté en 7ème alors qu’il n’était pas du tout brillant en 6ème !?

De tels cas ont été cités par des enseignants retraités dans les provinces de Mwaro, Muramvya, Gitega, Karusi et Bururi, et dans d’autres provinces du pays où la CVR a déjà mené ses enquêtes. En conséquence, ces élèves Bahutu, désespérés, décidaient d’abandonner l’école, car au lieu de persister dans le redoublement injuste, ces élèves jugeaient bon d’abandonner l’école, de rentrer chez eux et de fonder leur foyer. Et d’autres se lançaient dans l’inconnu, vers l’exode rural, à la recherche d’un hypothétique emploi.

Rencontre avec les autorités publiques dans la province de Karusi lors de la recherche des personnes ressources

Certains parents qui avaient perdu des membres de leur famille lors du génocide de 1972 ont volontairement encouragé leurs enfants à abandonner l’école de peur qu’ils ne soient eux aussi tués : «Baraduhekuye; » «Nimuvyare murabe ko tworwira » C’est-à-dire ils nous ont mis en deuil ! Mettez au monde pour que nous soyons nombreux ! »

Ces témoins ajoutent en outre que l’orientation injuste après la 10ème année était une autre occasion d’exclusion ethnique en faveur des élèves Batutsi, surtout pour ceux de Bururi, et au détriment des Bahutu et des Batutsi dites « Banyaruguru ». Les écoles moyennes pédagogiques (EMP) devenues plus tard Écoles de Formation des Instituteurs (EFI), actuellement des Ecoles Normales constituaient la section dévolue aux élèves Bahutu. Et d’autres, dans les écoles de formation professionnelle.

Quant aux Batutsi, ils étaient orientés dans des écoles à long cycle afin d’accéder à l’Université du Burundi et d’embrasser des facultés nobles comme la Médecine, l’Economie et le Droit, racontent nos interlocuteurs. La Faculté de Droit était, disent-ils, interdite aux étudiants Bahutu.

D’autres cas d’exclusion cités sont, entre autres, le système des lettres (i) et (u) respectivement devant les noms des élèves Batutsi et Bahutu, notamment en 10ème année, la présence de personnes se faisant passer pour des agents des services de renseignement dans les classes et la mise en place de jurys d’appréciation des étudiants à l’accès à l’Université du Burundi.

Une exclusion ethno-politique visant à éliminer le Muhutu intellectuel

Les mêmes témoins indiquent que cette politique s’explique comme ayant été une autre manière d’éliminer les intellectuels Bahutu dans le seul but de limiter les intellectuels Bahutu dans les instances décisionnelles afin qu’ils puissent rester cantonnés dans l’enseignement. Par conséquent, les Bahutu ne pouvaient penser à rien d’autre qu’à l’éducation tandis que les Batutsi qui avaient complété des facultés nobles pouvaient assumer d’autres fonctions liées à la gestion du pays : cadres supérieurs et cadres de l’Etat, chefs d’entreprise, etc.

Séance d’audition des témoins oculaires

De plus, ces témoins indiquent que même la répartition des écoles était émaillée d’irrégularités, car certaines provinces du pays possédaient peu d’écoles au moment où d’autres, privilégiées comme Bururi, en possédaient beaucoup. « Bururi a été cité comme ayant de nombreuses écoles, contrairement à Karusi où il n’y avait pas d’écoles secondaires pour les garçons ». Ceux qui avaient eu la chance d’avoir un certificat d’ accès au secondaire devaient alors s’arranger pour trouver une école d’orientation. Cependant, nos témoins félicitent les missionnaires qui ont eu l’idée géniale de construire des écoles car les écoles publiques n’étaient pas encore disponibles dans certaines provinces du pays.


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